« Prise au piège de l’endettement »
Juin. 2023Santé et social : pour un renforcement des interfaces
La pauvreté rend malade. Et la maladie rend pauvre. Une mère célibataire est restée coincée dans ce cercle vicieux pendant des décennies, jusqu’à ce que la chance lui sourie en lui offrant la possibilité de participer à un programme de désendettement. Elle a maintenant un emploi et voit enfin le bout du tunnel. Elle nous livre son témoignage.
« Mon père était alcoolique, ce qui le rendait parfois violent. Je voulais quitter la maison familiale le plus rapidement possible. C’est pourquoi je me suis mariée jeune. Mais j’ai divorcé au bout de peu de temps, parce que mon ex-mari a changé de comportement après la naissance de notre fils. Il était devenu agressif et jaloux. Il s’était mis à jouer et ne pouvait plus payer le loyer et les factures. Lors de la procédure de séparation, j’ai contresigné ses reconnaissances de dettes. C’est ainsi que je suis tombée dans le piège de l’endettement.
À l’époque, je travaillais dans un EMS, mais je souffrais de douleurs dorsales et n’allais pas bien non plus sur le plan psychique. Mon ex-mari me poursuivait et me menaçait. Je songeais au suicide. Après un traitement en hôpital psychiatrique, j’ai décidé de prendre le large. Dans un bar, j’ai rencontré un homme qui m’a fait oublier la peur que m’inspirait mon ex-mari. Après quelque temps, je suis tombée enceinte. Nous avons emménagé dans une nouvelle maison. Tout semblait parfait. Mais petit à petit, l’argent s’est fait rare. Mon compagnon a commencé à se droguer et s’impatientait quand j’allais faire les courses. Quand il est devenu violent, je me suis réfugiée avec mes deux enfants dans un foyer pour femmes.
Ensuite j’ai déménagé, toujours avec mes enfants, dans un appartement. C’est là que j’ai réalisé que j’étais à nouveau enceinte. C’était une période très difficile. La pension alimentaire n’était versée que sporadiquement et l’argent de l’aide sociale ne suffisait pas. Les dettes n’ont dès lors cessé d’augmenter et j’ai été prise dans une spirale infernale. J’avais perdu tout espoir de mener un jour une vie normale et heureuse.
« La pension alimentaire n’était versée que sporadiquement et l’argent de l’aide sociale ne suffisait pas. »
Pâtes au beurre
J’étais une mère célibataire qui s’occupait de trois jeunes enfants. Le benjamin a souffert d’une atteinte cérébrale qui l’a contraint à suivre une thérapie. À l’école, les deux plus jeunes ont connu des difficultés – notamment un retard de langage –, qui leur ont valu d’être placés dans une école spécialisée. Même si j’estimais que leurs problèmes de langage ne justifiaient pas un tel placement, j’étais soulagée qu’ils puissent rester à l’école toute la journée et y prendre le repas de midi. Quant au repas du soir, il était composé de pâtes au beurre ou d’un autre plat bon marché.
Comme nous n’avions pas assez d’argent, j’ai fait des missions temporaires dans différents restaurants. Mais mes problèmes de dos s’aggravaient. J’ai dû me faire opérer plusieurs fois pour des hernies discales. Malgré cela, l’AI a refusé ma demande de soutien. Je suis donc restée prisonnière du piège de l’endettement. Au fil des ans, la montagne de dettes a fini par frôler les 50 00 rancs. Comme j’avais honte de ma situation, je n’ai jamais osé demander la charité.
Certains de mes voisins trouvaient que je ne m’occupais pas bien de mes enfants. Ils m’ont dénoncée aux autorités, en prétendant que je négligeais mon devoir de surveillance. C’est ainsi que mes enfants ont failli m’être retirés. Pourtant, ils ont toujours été pris en charge. J’ai toujours été là pour eux et je le resterai jusqu’à la fin de ma vie. J’ai pris soin d’eux et j’ai réalisé leurs souhaits du mieux que j’ai pu.
J’ai fait beaucoup de sacrifices pour assurer le bonheur de ma petite famille. Mes enfants ne réclamaient jamais de produits chers et se réjouissaient même de petites choses, car ils comprenaient que nous n’avions pas beaucoup d’argent. Lors de mes engagements dans les restaurants, je mettais toujours les pourboires de côté. À un moment donné, nous avions réuni suffisamment d’argent pour partir tous ensemble à la mer. Mes enfants et moi avons beaucoup apprécié ces vacances. Malgré tout, je me suis souvent reproché de ne pas être une bonne mère et je pensais que mes enfants auraient mérité un meilleur sort.
Le tournant s’est produit il y a quelques années, lorsque j’ai fait la connaissance de Markus Gander, le fondateur d’infoklick.ch. Nous étions assis à des tables voisines dans un restaurant et nous avons commencé à discuter. En entendant mon histoire, Markus Gander s’est dit ‹ Cette situation ne peut plus durer › Il m’a parlé du projet Agenda Avenir, en voie de réalisation chez infoklick.ch. Ce projet vise à aider les familles monoparentales avec enfants à se désendetter par leurs propres moyens.
La pression a disparu
Grâce à Agenda Avenir, les dettes peuvent être payées progressivement. La pression qui pesait sur mes épaules a disparu, car le remboursement est réglé de manière à rester supportable. J’ai maintenant un emploi fixe et, chaque mois, je verse une partie de mon salaire pour m’acquitter petit à petit de mes dettes. Mes enfants aussi ont réussi à entrer dans la vie active. L’aîné travaille comme informaticien. Et les deux plus jeunes terminent bientôt leur apprentissage. Je suis très heureuse que mes enfants et moi puissions maintenant échapper à la pauvreté et mener enfin une vie sans trop de soucis. »
Contact
Isabelle Villard Risse,
isabelle.villard@bag.admin.ch